Vie de mes grands-parents, immigrés Italiens

Publié le par Alexandre Neodvisni

Ma grand-mère se nommait Joséphine Amabile (Buffon de son nom de jeune fille). Elle est née en juin 1904 à Latisanota (Latisana) dans la province de Udine. Elle a passé sa jeunesse dans la ferme familiale. Ses parents possédaient des chevaux (ces derniers étaient très présents dans les fermes italiennes, contrairement aux vaches, d’où sa future appréhension pour les bovins le jour où elle est venue vivre dans une ferme en France). Possédant une stature robuste, Joséphine secondait son père pour les travaux des champs. En Italie, elle eut un premier fiancé qui mourut au combat lors de la première guerre mondiale, au cours d’une bataille opposant le royaume d’Italie et l’Autriche-Hongrie. A l’âge de trente ans, Joséphine est partie rejoindre ses sœurs qui étaient venue s’installer en France dans le Tarn-et-Garonne, à Lacourt-Saint-Pierre. Elle trouva alors du travail comme employée de maison au château de Puymirol.

Mon grand-père se nommait Giovanni Josué. Il est né avec le siècle dernier, en novembre 1901 à Para-Vicentine (Vicenza) en Vénétie. Giovanni a passé sa jeunesse dans la petite ferme de ses parents. A l’âge de 14 ans, un jour qu’il partait avec une dizaine de jeunes pour chercher du foin dans les montagnes, un violent orage s’abattit au-dessus de leur tête. Ses amis sont partis s’abriter sous un chêne, mais lui a préféré aller se mettre sous un autre arbre. C’est alors que la foudre s’abattit sur le chêne, tuant tous ses amis sur le coup. Ce drame a laissé un souvenir traumatisant à mon grand-père sa vie durant…

Un an plus tard, en 1916, Giovanni est parti faire les tranchées en France du côté de la Marne avec son père. Vers la fin de la guerre, son père a attrapé la grippe espagnole. Il est revenu mourir au pays. Giovanni l’a raccompagné, avec son petit frère Nicolas ils se sont occupés de la ferme familiale. Mais à 20 ans, ils sont partis tous les deux au Luxembourg pour travailler dans les mines. Les deux frères étaient payés une somme fixe par wagon, mais d’autres travailleurs abusaient de la gentillesse de Giovanni et Nicolas en mettant les wagons à leurs propres noms pour empocher le salaire… Dés lors, les deux frères déçus par ce qui se passaient sont parti travailler dans les Mines de Fer à Thionville (en Moselle). A cause de la silicose des mines, Giovanni a attrapé une mauvaise toux, et il été contraint d’arrêter ce travail. Il est parti travailler dans les chemins de fer, mais n’a pas pu continuer, car à l’époque les Italiens n’avaient pas le droit d’occuper un poste permanent dans le Public, ils pouvaient seulement travailler comme ouvrier agricole ou dans tout ce qui dépendait de l’agriculture : la pénurie de main d’œuvre agricole - suite à l’hécatombe de la première guerre mondiale - avait laissé les terres en friche, et l’on réclamait des gens pour travailler dans le monde rural. Notamment dans le Sud-Ouest, des pans entiers de terrains agricoles se trouvaient désertés. Les deux frères avaient entendu parler de terres à vendre dans cette région, ils sont alors allés chez un courtier qui leur a proposé des offres d’achat. Ils ont finalement acheté moitié chacun une ferme dans le Tarn-et-Garonne à Gasques. Les deux frères ont donc quittés la Lorraine avec leurs valises pour venir s’installer dans leur nouvelle propriété.

Mes grands-parents se sont rencontrés par l’intermédiaire de la sœur de ma grand-mère Joséphine (la sœur possédait alors une ferme à Perville) : entre Italiens les rencontres étaient habituelles. Le bruit avait couru qu’il y avait dans le canton deux jeunes Italiens vaillants et célibataires qui possédaient une ferme de 20 hectares (ce chiffre était important à l’époque). Giovanni et Nicolas ont été invité à Perville, et ma grand-mère a choisi Giovanni… elle est donc venue le rejoindre à la ferme.

L’un des deux frères, Nicolas, a fini par repartir en Italie car une femme l’attendait là-bas. Il s’est marié et n’est jamais revenu en France. De ce fait, la propriété est revenue entièrement à mon grand-père Giovanni, qui a donné à son frère la moitié du prix de la ferme au moment de son départ en direction de l’Italie (d’après la légende familiale, Nicolas serait reparti en Italie avec la « sacoche pleine de billets de banque … »)

Mes grands-parents ont alors vécu ensemble dans cette ferme jusqu’à la fin de leur vie…

Giovanni et Joséphine

Giovanni et Joséphine

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S
Salut Alexandre..!<br /> Très jolie plume.. Bravo, et respects. Je n’ai pas tout lu, évidemment.. mais j’y reviendrai, c’est certain, j’ai beaucoup aimé Madeleine, ainsi que Celle que j’attendais.. mais également tes poèmes notamment Félin...., le nom m’échappe.. j’aime beaucoup ton style, plus soutenu que le mien (j’écris « un peu » mais j’ai toujours du mal à finaliser.., j’ai une nouvelle en cours..., bon début, mais l’inspiration me fait un peu défaut là-tout de suite, mais je reste optimiste, je compte bien la terminer celle-ci..).<br /> Merci pour le gentil commentaire que tu m’as laissé... <br /> Peut-être à un de ces jours, qui sait..?! D’ici là bon courage pour ta reprise d’études, perso je recommence le 5 novembre.. :)<br /> Séverine (Enivrées)
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